S. f. (Morale) la Volupté, selon Aristippe, ressemble à une reine magnifique et parée de sa seule beauté ; son trône est d'or, et les Vertus, en habit de fêtes, s'empressent de la servir. Ces vertus sont la Prudence, la Justice, la Force, la Tempérance ; toutes quatre véritablement soigneuses de faire leur cour à la Volupté, et de prévenir ses moindres souhaits. La Prudence veille à son repos, à sa sûreté ; la Justice l'empêche de faire tort à personne, de peur qu'on ne lui rende injure pour injure, sans qu'elle puisse s'en plaindre ; la Force la retient, si par hasard quelque douleur vive et soudaine l'obligeait d'attenter sur elle-même ; enfin la Tempérance lui défend toute sorte d'excès, et l'avertit assiduement que la santé est le plus grand de tous les biens, ou celui du moins sans lequel tous les autres deviennent inutiles, ne se font point sentir.

La morale d'Aristippe, comme on voit, portait sans détour à la Volupté, et en cela elle s'accordait avec la morale d'Epicure. Il y avait cependant entr'eux cette différence, que le premier regardait comme une obligation indispensable de se mêler des affaires publiques, de s'assujettir dès sa jeunesse à la société, en possédant des charges et des emplois, en remplissant tous les devoirs de la vie civîle ; et que le second conseillait de fuir le grand monde, de préférer à l'éclat qui importune, cette douce obscurité qui satisfait, de rechercher enfin dans la solitude un sort indépendant des caprices de la fortune. Cette contrariété de sentiments entre deux grands philosophes, donna lieu au stoïcien Panétius d'appeler en raillant la volupté d'Aristippe, la volupté debout, et celle d'Epicure, la volupté assise.

Il s'éleva dans le quatrième siècle de l'église un hérésiarque (Jovinian) qu'on nomma l'Aristippe et l'Epicure des chrétiens, parce qu'il osait soutenir que la religion et la volupté n'étaient point incompatibles ; paradoxe qu'il colorait de spécieux prétextes, en dégageant d'une part la volupté de ce qu'elle a de plus grossier ; et de l'autre, en réduisant toutes les pratiques de la religion à des simples actes de charité. Cette espèce de système séduisit beaucoup de gens, surtout des prêtres et des vierges consacrées à Dieu ; mais S. Jérôme attaqua ouvertement le perfide hérésiarque, et sa victoire fut aussi brillante que complete. " Vous croyez, lui disait-il, avoir persuadé ceux qui marchent sur vos traces, détrompez-vous, ils étaient déjà persuadés par les penchants secrets de leur cœur ".

Jamais réputation n'a plus varié que celle d'Epicure ; ses ennemis le décriaient comme un voluptueux, que l'apparence seule du plaisir entrainait sans cesse hors de lui-même, et qui ne sortait de son oisiveté que pour se livrer à la débauche. Ses amis au-contraire, le dépeignaient comme un sage qui fuyait par goût et par raison le tumulte des affaires, qui préférait un genre de vie bien ménagé, aux flatteuses chimères dont l'ambition repait les autres hommes, et qui par une judicieuse économie mêlait les plaisirs à l'étude, et une conversation agréable au sérieux de la méditation. Cet homme poli et simple dans ses manières, enseignait à éviter tous les excès qui peuvent déranger la santé, à se soustraire aux impressions douloureuses, à ne désirer que ce qu'on peut obtenir, à se conserver enfin dans une assiette d'esprit tranquille. Au fond cette doctrine était très-raisonnable, et l'on ne saurait nier qu'en prenant le mot de bonheur comme il le prenait, la félicité de l'homme ne consiste dans le plaisir. Epicure n'a point pris le change, comme presque tous les anciens philosophes qui, en parlant du bonheur, se sont attachés non à la cause formelle, mais à la cause efficiente. Pour Epicure, il considère la béatitude en elle-même et dans son état formel, et non pas selon le rapport qu'elle a à des êtres tout à fait externes, comme sont les causes efficientes. Cette manière de considérer le bonheur, est sans doute la plus exacte et la plus philosophique. Epicure a donc bien fait de la choisir, et il s'en est si bien servi, qu'elle l'a conduit précisément où il fallait qu'il allât. Le seul dogme que l'on pouvait établir raisonnablement, selon cette route, était de dire que la béatitude de l'homme consiste dans le sentiment du plaisir, ou en général dans le contentement de l'esprit. Cette doctrine ne comporte point pour cela que l'on établit le bonheur de l'homme dans la bonne chère et dans les molles amours : car tout au plus ce ne peuvent être que des causes efficientes, et c'est de quoi il ne s'agit pas ; quand il s'agira des causes efficientes, on vous marquera les meilleures, on vous indiquera d'un côté les objets les plus capables de conserver la santé de votre corps, et de l'autre les occupations les plus propres à prévenir les chagrins de l'esprit ; on vous prescrira donc la sobriété, la tempérance, et le combat contre les passions tumultueuses et déréglées, qui ôtent à l'âme la tranquillité d'esprit qui ne contribue pas peu à son bonheur : on vous dira que la volupté pure ne se trouve ni dans la satisfaction des sens, ni dans l'émotion des appétits ; la raison en doit être la maîtresse, elle en doit être la règle, les sens n'en sont que les ministres, et ainsi quelques délices que nous espérions dans la bonne chère, dans les plaisirs de la vie, dans les parfums et la musique, si nous n'approchons de ces choses avec une âme tranquille, nous serons trompés, nous nous abuserons d'une fausse joie, et nous prendrons l'ombre du plaisir pour le plaisir même. Un esprit troublé et emporté loin de lui par la violence des passions, ne saurait goûter une volupté capable de rendre l'homme heureux. C'étaient là les voluptés dans lesquelles Epicure faisait consister le bonheur de l'homme. Voici comment il s'en explique : c'est à Ménecée qu'il écrit : " Encore que nous disions, mon cher Ménecée, que la volupté est la fin de l'homme, nous n'entendons pas parler des voluptés sales et infâmes, et de celles qui viennent de l'intempérance et de la sensualité. Cette mauvaise opinion est celle des personnes qui ignorent nos préceptes ou qui les combattent, qui les rejettent absolument ou qui en corrompent le vrai sens ". Malgré cette apologie qu'il faisait de l'innocence de sa doctrine contre la calomnie et l'ignorance, on se récria sur le mot de volupté ; les gens qui en étaient déjà gâtés en abusèrent ; les ennemis de la secte s'en prévalurent, et ainsi le nom d'épicurien devint très-odieux. Les Stoïciens qu'on pourrait nommer les jansénistes du paganisme, firent tout ce qu'ils purent contre Epicure, afin de le rendre odieux et de le faire persécuter. Ils lui imputèrent de ruiner le culte des dieux, et de pousser dans la débauche le genre humain. Il ne s'oublia point dans cette rencontre, il sut penser et agir en philosophe ; il exposa ses sentiments aux yeux du public ; il fit des ouvrages de piété ; il recommanda la vénération des dieux, la sobriété, la continence ; il ne se plaignit point des bruits injurieux qu'on versait sur lui à pleines mains. " J'aime mieux, disait-il, les souffrir et les passer sous silence, que de troubler par une guerre désagréable la douceur de mon repos ". Aussi le public, du moins celui qui veut connaître avant que de juger, se déclara-t-il en toutes les occasions pour Epicure ; il estimait sa probité, son éloignement des vaines disputes, la netteté de ses mœurs, et cette grande tempérance dont il faisait profession, et qui loin d'être ennemie de la volupté, en est plutôt l'assaisonnement. Sa patrie lui éleva plusieurs statues ; d'ailleurs ses vrais disciples et ses amis particuliers vivaient d'une manière noble et pleine d'égards les uns pour les autres ; ils portaient à l'excès tous les devoirs de l'amitié, et préféraient constamment l'honnête à l'agréable. Un maître qui a su inspirer tant d'amour pour les vertus douces et bienfaisantes, ne pouvait manquer d'être un grand homme ; mais on ne doit pas reconnaître pour ses disciples quelques libertins qui ayant abusé du nom de ce philosophe, ont ruiné la réputation de sa secte. Ces gens ont donné à leurs vices l'inscription de sa sagesse, ils ont corrompu sa doctrine par leurs mauvaises mœurs, et se sont jetés en foule dans son parti, seulement parce qu'ils entendaient qu'on y louait la volupté, sans approfondir ce que c'était que cette volupté. Ils se sont contentés de son nom en général, et l'ont fait servir de voîle à leurs débauches ; et ils ont cherché l'autorité d'un grand homme, pour appuyer les désordres de leur vie, au-lieu de profiter des sages conseils de ce philosophe, et de corriger leurs vicieuses inclinations dans son école. La réputation d'Epicure serait en très-mauvais état, si quelques personnes désintéressées n'avaient pris soin d'étudier plus à fond sa morale. Il s'est donc trouvé des gens qui se sont informés de la vie de ce philosophe, et qui sans s'arrêter à la croyance du vulgaire, ni à l'écorce des choses, ont voulu pénétrer plus avant, et ont rendu des témoignages fort authentiques de la probité de sa personne, et de la pureté de sa doctrine. Ils ont publié à la face de toute la terre, que sa volupté était aussi sévère que la vertu des Stoïciens, et que pour être débauché comme Epicure, il fallait être aussi sobre que Zénon. Parmi ceux qui ont fait l'apologie d'Epicure, on peut compter Ericius Puteanus, le fameux dom Francisco de Quevedo, Sarrazin, le sieur Colomiés, M. de Saint-Evremont, dont les réflexions sont curieuses et de bon gout, M. le baron Descoutures, la Mothe le Vayer, l'abbé Saint Réal, et Sorbière. Un auteur moderne qui a donné des ouvrages d'un goût très-fin, avait promis un commentaire sur la réputation des anciens ; celle d'Epicure devait y être rétablie. Gassendi s'est surtout signalé dans la défense de ce philosophe ; ce qu'il a fait là-dessus est un chef-d'œuvre, le plus beau et le plus judicieux recueil qui se puisse voir, et dont l'ordonnance est la plus nette et la mieux réglée. M. le chevalier Temple, si illustre par ses ambassades, s'est aussi déclaré le défenseur d'Epicure, avec une adresse toute particulière. On peut dire en général que la morale d'Epicure est plus sensée et plus raisonnable que celle des Stoïciens, bien entendu qu'il soit question du système du paganisme. Voyez l'article du SAGE.

On entend communément par volupté tout amour du plaisir qui n'est point dirigé par la raison ; et en ce sens toute volupté est illicite ; le plaisir peut être considéré par rapport à l'homme qui a ce sentiment, par rapport à la société, et par rapport à Dieu. S'il est opposé au bien de l'homme qui en a le sentiment, à celui de la société, ou au commerce que nous devons avoir avec Dieu, dès-lors il est criminel. On doit mettre dans le premier rang ces voluptés empoisonnées qui font acheter aux hommes par des plaisirs d'un instant, de longues douleurs. On doit penser la même chose de ces voluptés qui sont fondées sur la mauvaise foi et sur l'infidélité, qui établissent dans la société la confusion de race et d'enfants, et qui sont suivies de soupçons, de défiance, et fort souvent de meurtres et d'attentats sur les lois les plus sacrées et les plus inviolables de la nature. Enfin on doit regarder comme un plaisir criminel, le plaisir que Dieu défend, soit par la loi naturelle qu'il a donnée à tous les hommes, soit par une loi positive, comme le plaisir qui affoiblit, suspend ou détruit le commerce que nous avons avec lui, en nous rendant trop attachés aux créatures.

La volupté des yeux, de l'odorat, et de l'ouie, est la plus innocente de toutes, quoiqu'elle puisse devenir criminelle, parce qu'on n'y détruit point son être, qu'on ne fait tort à personne ; mais la volupté qui consiste dans les excès de la bonne chère, est beaucoup plus criminelle : elle ruine la santé de l'homme ; elle abaisse l'esprit, le rappelant de ces hautes et sublimes contemplations pour lesquelles il est naturellement fait, à des sentiments qui l'attachent bassement aux délices de la table, comme aux sources de son bonheur. Mais le plaisir de la bonne chère n'est pas à beaucoup près si criminel que celui de l'ivresse, qui non-seulement ruine la santé et abaisse l'esprit, mais qui trouble notre raison et nous prive pendant un certain temps du glorieux caractère de créature raisonnable. La volupté de l'amour ne produit point de désordres tout à fait si sensibles ; mais cependant on ne peut point dire qu'elle soit d'une conséquence moins dangereuse : l'amour est une espèce d'ivresse pour l'esprit et le cœur d'une personne qui se livre à cette passion ; c'est l'ivresse de l'âme comme l'autre est l'ivresse du corps ; le premier tombe dans une extravagance qui frappe les yeux de tout le monde, et le dernier extravague, quoiqu'il paraisse avoir plus de raison ; d'ailleurs le premier renonce seulement à l'usage de la raison, au-lieu que celui-ci renonce à son esprit et à son cœur en même temps. Mais quand vous venez à considérer ces deux passions dans l'opposition qu'elles ont au bien de la société, vous voyez que la moins déréglée est en quelque sorte plus criminelle que l'ivresse, parce que celle-ci ne nous cause qu'un désordre passager, au lieu que celle-là est suivie d'un dérèglement durable : l'amour est d'ailleurs plus souvent une source d'homicide que le vin : l'ivresse est sincère ; mais l'amour est essentiellement perfide et infidèle. Enfin l'ivresse est une courte fureur qui nous ôte à Dieu pour nous livrer à nos passions ; mais l'amour illicite est une idolâtrie perpétuelle.

L'amour propre sentant que le plaisir des sens est trop grossier pour satisfaire notre esprit, cherche à spiritualiser les voluptés corporelles. C'est pour cela qu'il a plu à l'amour-propre d'attacher à cette félicité grossière et charnelle la délicatesse des sentiments, l'estime d'esprit, et quelquefois même les devoirs de la religion, en la concevant spirituelle, glorieuse, et sacrée. Ce prodigieux nombre de pensées, de sentiments, de fictions, d'écrits, d'histoires, de romans, que la volupté des sens a fait inventer, en est une preuve éclatante. A considérer les plaisirs de l'amour sous leur forme naturelle, ils ont une bassesse qui rebute notre orgueil. Que fallait il faire pour les élever et pour les rendre dignes de l'homme ? Il fallait les spiritualiser, les donner pour objet à la délicatesse de l'esprit, en faire une matière de beaux sentiments, inventer là-dessus des jeux d'imagination, les tourner agréablement par l'éloquence et la poésie. C'est pour cela que l'amour-propre a annobli les honteux abaissements de la nature humaine : l'orgueil et la volupté sont deux passions, qui bien qu'elles viennent d'une même source, qui est l'amour-propre, ne laissent pourtant pas d'avoir quelque chose d'opposé. La volupté nous fait descendre, au-lieu que l'orgueil veut nous élever ; pour les concilier, l'amour-propre fait de deux choses l'une ; ou il transporte la volupté dans l'orgueil, ou il transporte l'orgueil dans la volupté ; renonçant au plaisir des sens, il cherchera un plus grand plaisir à acquérir de l'estime ; ainsi voilà la volupté dédommagée ; ou prenant la résolution de se satisfaire du côté du plaisir des sens, il attachera de l'estime à la volupté ; ainsi voilà l'orgueil consolé de ses pertes ; mais l'assaisonnement est encore bien plus flatteur, lorsqu'on regarde ce plaisir comme un plaisir que la religion ordonne. Une femme débauchée qui pouvait se persuader dans le paganisme qu'elle faisait l'inclination d'un dieu, trouvait dans l'intempérance des plaisirs bien plus sensibles ; et un dévot qui se divertit ou qui se vange sous des prétextes sacrés, trouve dans la volupté un sel plus piquant et plus agréable que la volupté même.

La plupart des hommes ne reconnaissent qu'une sorte de volupté, qui est celle des sens ; ils la réduisent à l'intempérance corporelle, et ils ne s'aperçoivent pas qu'il y a dans le cœur de l'homme autant de voluptés différentes, qu'il y a d'espèces de plaisir dont il peut abuser ; et autant d'espèces différentes de plaisir, qu'il y a de passions qui agitent son âme.

L'avarice qui semble se vouloir priver des plaisirs les plus innocens, a sa volupté qui la dédommage des douceurs auxquelles elle renonce : populus me sibilat, dit cet avare dont Horace nous a fait le portrait, at mihi plaudo ipse domi, simul ac nummos contemplor in arcâ. Mais comme il y a des passions plus criminelles les unes que les autres, il y a aussi une sorte de volupté qui est particulièrement dangereuse. On peut la réduire à trois espèces ; savoir la volupté de la haine et de la vengeance ; celle de l'orgueil et de l'ambition ; celle de l'incrédulité, et celle de l'impiété.

C'est une volupté d'orgueil que de s'arroger ou des biens qui ne nous appartiennent pas, ou des qualités qui sont en nous, mais qui ne sont point nôtres ; ou une gloire que nous devons rapporter à Dieu, et non point à nous. On s'étonne avec raison que le peuple romain trouvât quelque sorte de plaisir dans les divertissements sanglans du cirque, lorsqu'il voyait des gladiateurs s'égorger en sa présence pour son divertissement. On peut regarder ce plaisir barbare comme une volupté d'ambition et de vaine gloire : c'était flatter l'ambition des Romains que de leur faire voir que les hommes n'étaient faits que pour leurs divertissements. Il y a une volupté de haine et de vengeance qui consiste dans la joie que nous donnent les disgraces des autres hommes ; c'est un affreux plaisir que celui qui se nourrit de larmes que les autres répandent ; le degré de ce plaisir fait le degré de la haine qui le fait naître. Le grand Corneille à qui on ne peut refuser d'avoir bien connu le cœur de l'homme, exprime dans ces vers l'excès de la haine par l'excès du plaisir.

Puissai-je de mes yeux y voir tomber la foudre,

Voir tes maisons en cendre et tes lauriers en poudre,

Voir le dernier romain à son dernier soupir,

Moi seule en être cause, et mourir de plaisir.

L'incrédulité se fortifie du plaisir de toutes les autres passions qui attaquent la religion, et se plaisent à nourrir des doutes favorables à leurs déreglements ; et l'impiété qui semble commettre le mal pour le mal même, et sans en trouver aucun avantage, ne laisse pas d'avoir ses plaisirs secrets, d'autant plus dangereux, que l'âme se les cache à elle-même dans l'instant qu'elle les goute le mieux ; il arrive souvent qu'un intérêt de vanité nous fait manquer de révérence à l'Etre suprême. Nous voulons nous montrer redoutables aux hommes, en paraissant ne craindre point Dieu ; nous blasphémons contre le ciel pour menacer la terre ; mais ce n'est pourtant pas là le sel qui assaisonne principalement l'impiété. L'homme impie hait naturellement Dieu, parce qu'il hait la dépendance qui le soumet à son empire, et la loi qui borne ses désirs. Cette haine de la Divinité demeure cachée dans le cœur des hommes, où la faiblesse et la crainte la tiennent couverte, sans même que la raison s'en aperçoive le plus souvent ; cette haine cachée fait trouver un plaisir secret dans ce qui brave a Divinité.

Victrix causa diis placuit, sed victa Catoni.

" Il dédaigne de voir le ciel qui le trahit ".

Tout cela a paru brave, parce qu'il était impie.

La volupté corporelle est plus sensible que la volupté spirituelle ; mais celle-ci parait plus criminelle que l'autre : car la volupté de l'orgueil est une volupté sacrilège, qui dérobe à Dieu l'honneur qui lui appartient, en retenant tout pour elle. La volupté de la haine est une volupté barbare et meurtrière qui se nourrit de pleurs ; et la volupté de l'incrédulité est une volupté impie qui se plait à dégrader la Divinité.